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Atalanta-PSG : Bergame, ville martyre du Covid-19 qui ne baisse jamais les bras - Le Parisien

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Ecrasée par le soleil, bercée par le chant lancinant des cigales, la ville haute de Bergame baigne dans une léthargie estivale. En cette fin juillet, les ruelles pavées qui mènent à la Piazza Vecchia, le cœur historique de la cité lombarde, sont quasi désertes. D'ordinaire, il faut dribbler les touristes avec virtuosité pour arpenter ce petit bijou d'architecture ceint de murailles vénitiennes. La pandémie du Covid-19 est passée par là. La quiétude trahit l'inquiétude. Torpeur rime avec peur. La reprise de l'activité est timide.

« Notre hôtel compte 154 chambres et seulement 13 sont occupées, résume, fataliste, le réceptionniste de l'Excelsior San Marco, idéalement placé au pied du funiculaire. Avec tout ce qu'ils ont vu et entendu, les gens ont de quoi être réticents à venir. » Il faut dire que les temps ont changé… Les images des camions de l'armée évacuant les dépouilles pour soulager des morgues saturées hantent encore les esprits.

« Pourtant, tout ça n'est plus qu'un souvenir. Le souvenir d'un cauchemar, certes, mais un souvenir, insiste Marco Dell'Oro, rédacteur en chef adjoint au journal régional l'Eco di Bergamo. L'hôpital a repris sa vie normale, les bureaux rouvrent peu à peu. Ce qui nous est arrivé est inconcevable. On invente des réponses au jour le jour dans tous les domaines. Mais le tourisme reste bloqué dans les deux sens. Nous, on évite de dire d'où on vient pour ne pas voir nos réservations annulées. »

La Dea dans les gênes dès la maternité

Dans cette commune de 122 000 habitants, à 50 km au nord-est de Milan, masques chirurgicaux, gel hydroalcoolique et thermomètre régissent le quotidien. A la main ou grâce à des capteurs thermiques, dans les administrations ou à la terrasse des restaurants, on traque la moindre température au-dessus de 37,5°. Sinon, prière d'attendre la fin du coup de chaud ou de rebrousser chemin.

La seule fièvre autorisée est celle du Calcio. « La place du football est énorme, poursuit Dell'Oro. Il y a toujours eu une grande identité entre la ville et l'équipe. Normalement, en Italie, 50 % des habitants sont pour le club local et 50 % pour un grand comme la Juventus, l'Inter ou l'AC Milan. A Bergame, il y a plus de 80 % de tifosis de l'Atalanta. »

Mattia, 27 ans, supporte avec fierté l’Atalanta depuis le berceau./LP/Eric Bruna
Mattia, 27 ans, supporte avec fierté l’Atalanta depuis le berceau./LP/Eric Bruna  

Adversaire du PSG en quart de finale de la Ligue des champions ce mercredi, la Dea (NDLR : déesse) est dans les gênes. A la maternité du désormais célèbre Ospedale Papa Giovanni XXIII, une armoire abrite des petites boîtes en carton en forme de maison avec des inscriptions bleues ou roses et le dessin d'une cigogne. A l'intérieur, un maillot nerazurri (noir et bleu) offert à chaque nouveau-né. « C'est pour que tout enfant qui naît dans ces lieux sache qu'il fait partie de la famille », résume la directrice Maria Beatrice Stasi.

« On cultive la souffrance et surtout le labeur »

Le virus a détruit les corps (près de 17 000 décès dans la région), brisé les cœurs, torturé les âmes. Mais aussi fait ressortir les vertus du peuple bergamasque. Ses facultés de résilience, de dépassement de soi et de solidarité. Au début du confinement, les Ultras de la Curva Nord ont participé activement à la construction d'un hôpital d'infortune près de la foire locale. Le mois dernier, ils ont remis à l'hôpital un chèque de 60 000 euros correspondant au remboursement du déplacement qu'ils n'avaient pas pu effectuer à Valence, le 10 mars, pour le 8e de finale retour de la Ligue des champions.

« Avant d'être des Ultras, nous sommes des citoyens, tous très proches, sourit Mattia, 27 ans, polo de la Dea sur les épaules et maillot en main à la sortie de la boutique officielle. Soutenir son équipe est une chose, mais nous devons tous tout faire pour que Bergame reste debout. On a souffert tous ensemble, on a réagi tous ensemble. »

La devise de la Curva Nord s’étale sur le mur qui longe le stade : « Ensemble depuis toujours, ensemble pour toujours »/E.B.
La devise de la Curva Nord s’étale sur le mur qui longe le stade : « Ensemble depuis toujours, ensemble pour toujours »/E.B.  

Insieme da sempre, insieme per sempre (NDLR : ensemble depuis toujours, ensemble pour toujours). La devise barre le mur défraîchi de la Piazzale Olimpiade, le long du stade Atleti Azzurri d'Italia, rebaptisé Gewiss Stadium, qui est lui en plein rafraîchissement. « Il faut vraiment se méfier des clichés sur l'Italie en général, confie le maire Giorgio Gori. Bergame, ce n'est pas Naples ou Rome. On cultive la souffrance et surtout le labeur. Cela a d'ailleurs été notre faiblesse dans un court laps de temps fin février. Avec notre culture du travail, l'idée de devoir fermer des usines ou des magasins était inconcevable. C'est redevenu notre force pour redémarrer l'activité. »

Davide Ferrario partage l'analyse. « Tu ne travailles pas pour gagner de l'argent ou parce qu'on te l'ordonne mais parce que c'est ta façon de vivre, explique le réalisateur et romancier transalpin, fan de l'Atalanta. Dans les années 1950, on s'exilait en France ou en Belgique. Mon oncle est parti travailler dans les mines. Les choses ont changé, Bergame est devenue prospère, mais l'esprit demeure. On fait face dignement, sans cris, sans complaintes, la tête haute. »

L’Eco di Bergamo, qui tire normalement à 30 000 exemplaires, en a vendu 140 000 en joignant au journal ce drapeau avec un cœur./LP/Eric Bruna
L’Eco di Bergamo, qui tire normalement à 30 000 exemplaires, en a vendu 140 000 en joignant au journal ce drapeau avec un cœur./LP/Eric Bruna  

Fin mars, Claudio Galimberti dit « Il Bocia », chef historique des Ultras, 45 ans et 25 ans cumulés d'interdiction de stade, avait demandé aux dirigeants de la Dea de se retirer du championnat pour respecter le deuil de la communauté. « On peut dire qu'il s'est trompé », sourit Mattia. Car la résurrection lombarde passait aussi par la renaissance de la Serie A.

« Pensez donc que le jour du retour à l'entraînement, les joueurs ont simplement fait des tours de terrain, raconte Pietro Serina, journaliste spécialiste du club. Le serveur du site Internet officiel a saturé, tout le monde voulait les voir courir ! Même au plus fort de la crise, le lien est resté énorme. »

« Les joueurs ont senti la mort autour d'eux »

Le capitaine Papu Gomez et ses coéquipiers ont fait front avec la population. « Aucun d'eux n'a abandonné la ville pendant la pandémie, souffle Davide Ferrario. Certains ont vécu au centre d'entraînement, ils ont partagé la douleur en restant au cœur du drame. Pas comme un Ronaldo reparti sur son île. Ils étaient là, ils ont senti la mort autour d'eux et ils sont revenus plus forts. »

« L'Atalanta aide à apaiser les douleurs, observe Arturo Zambaldo, président du club des amis de l'Atalanta, qui compte 98 sections et plus de 6 000 membres. D'où qu'ils viennent, les joueurs donnent plus que la normale sur le terrain. Ils savent qu'ils transmettent du bonheur. » Avec passion, mais sans pression. Ici, on n'est ni intrusif, ni exubérant. Pas d'hystérie à l'autographe ou au selfie. « On sent que tout le monde est derrière nous mais on peut aller faire nos courses tranquillement, témoigne le milieu de terrain Adrien Tameze, qui vient de passer six mois à la Dea avant de retrouver Nice. Les fans sont respectueux et surtout reconnaissants. »

Davide Ferrario se verrait bien faire un film sur l'Atalanta. Ou sur Bergame. Enfin, un peu des deux. « Il s'intitulerait forcément Non Mollare Mai(NDLR : N'abandonnez jamais), sourit-il. Savoir se relever après être tombé. Cela vaut aussi bien pour le club que pour la ville. Définitivement. Des joueurs comme Marten De Roon ou Robin Gosens ne sont pas des stars et ne le seront jamais. Mais si on les apprécie autant, c'est parce qu'ils ne baissent jamais les bras… »




August 10, 2020 at 12:26PM
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