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Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville, n'existera plus - Courrier International

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Quand le soleil se lèvera, Beyrouth, ma ville, n’existera plus. Dans la nuit d’hier, des sirènes d’ambulance et le crissement des bris de verre étaient les seuls bruits qu’on entendait dans la ville.

Hier, assise à moto derrière un homme que je ne connaissais pas et qui était sorti pour aider ceux qui en ont besoin, je fermais les yeux pour les protéger des bris de glace. Ma ville n’existe plus.

Du centre-ville à Gemmayzé jusqu’à Mar Mikhaël en passant par Saïfi et le port, il n’y a plus que des squelettes d’immeubles en béton ou en acier, le reste a volé en éclats. En certains endroits, la structure en acier a fondu.

Une destruction digne d’un film de fiction. Plus rien.

Il ne reste plus rien de la ville que ses habitants, qui ont appris à survivre, ou vivoter, ou à être résilients.

Au début de la rue d’Arménie, dans une épicerie dont le mur s’est écroulé, un jeune homme distribue de l’eau fraîche, en disant aux passants un “hamdellah Al-salameh” [“Grâce à dieu, vous êtes sains et saufs”]. Sur un trottoir en face, Georgette, une octogénaire, attend sur une chaise en plastique que son neveu vienne la chercher pour qu’elle dorme à Sabtiyé.

Tard dans la soirée d’hier, des personnes aux vêtements ensanglantés se rendaient encore dans des bâtiments branlants de Mar Mikhaël et Gemmayzé, des quartiers aux immeubles complètement soufflés où des pans de murs se sont écroulés sur le sol.

Dans la nuit d’hier, il était difficile de se déplacer à Gemmayzé et à Mar Mikhaël, les troncs d’arbre, les bris de verre, les fils électriques jonchent le sol. Dans ces quartiers, de nombreux bâtiments datant du XIXe siècle se sont complètement écroulés.

Un homme dans un 4x4 raconte que sa grand-tante est morte et qu’elle habite en face du port. “Le souffre de l’explosion l’a tuée”, dit-il dans un état de choc.

À EDL, un hôpital de camp a été dressé. Un peu plus loin, un soldat trébuche. Il a du mal à se lever dans l’obscurité malgré l’aide de ses amis. Des femmes du troisième âge, blessées, sont transportées sur des chaises vers des ambulances.

Accompagné de son épouse, Antranik, 70 ans, porte des sacs en plastique et marche dans la nuit parmi les débris :

Nous avons volé d’une chambre à l’autre. Nous sommes indemnes. Nous irons dormir chez ma fille à Fanar.”

Sur l’autoroute et les rues parallèles, des véhicules soufflés ont été laissés par leur chauffeur, certains avec les lumières de détresse allumées.

“Mon frère s’appelle Georgio, il est blessé. Je ne sais plus dans quel hôpital il a été transporté, il a douze ans”, s’écrit une adolescente dont le visage a été écorché par des bris de glace.

Hier jusqu’à tard en soirée à Beyrouth on entendait le bruit du verre brisé. Ceux qui ne cherchent pas leurs bien-aimés, ceux qui n’ont pas été blessés, se sont mis à nettoyer les débris de verre jonchant les entrées de leurs immeubles.

Devant les hôpitaux, de nombreuses personnes attendaient encore pour avoir des nouvelles de leurs proches, alors que les ambulances transportant morts et blessés roulaient, sirènes hurlantes, à travers la ville.

Il ne reste rien à Beyrouth. Plus rien. Et quand le soleil se lèvera, nous constaterons que la ville n’est plus.

Patricia Khoder



August 05, 2020 at 01:26PM
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