
Au terme d’un conseil municipal de plus de six heures, la candidate du Printemps marseillais (PM), Michèle Rubirola, a finalement été élue, samedi 4 juillet, maire de Marseille avec une majorité absolue de 51 voix sur 101 conseillers municipaux. La victoire de l’écologiste a été saluée, peu après 15 heures, par la clameur des quelques milliers de militants de cette union à gauche qui patientaient depuis le début de la matinée devant l’hôtel de ville.
Michèle Rubirola, médecin de 63 ans, devient la première femme maire de Marseille et ramène la ville à gauche après les quatre mandats et les vingt-cinq ans de pouvoir de Jean-Claude Gaudin (Les Républicains, LR), qui ne se représentait pas. Le maire sortant est venu en personne remettre l’écharpe tricolore peu après le vote.

L’élection s’est jouée au cours d’une interminable pause entre le premier et le second tour de vote, dans une négociation entre le Printemps marseillais et la sénatrice ex-Parti socialiste (PS) Samia Ghali. La présidente de séance, Marguerite Pasquini, élue sur les listes de Mme Ghali, a laissé tout leur temps aux protagonistes pour arriver à un accord et gommer les mésententes affichées depuis le début de la semaine. Une « pause déjeuner » d’une heure a ainsi permis aux négociateurs de trouver un accord.
A la reprise, Samia Ghali, visage épuisé, a annoncé elle-même, devant la foule – et les caméras de télévision –, sa décision d’apporter son soutien et celui de ses huit élus à Mme Rubirola. La droite, qui a contesté la victoire du Printemps marseillais jusqu’au bout, a voté en bloc pour le député Guy Teissier (41 voix), alors que le Rassemblement national (RN) a refusé de prendre part au vote.
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Quelques milliers de militants
A leur arrivée, samedi matin, quelques milliers de militants scandent « Démocratie à Marseille », « Michèle à la mairie ». Depuis 8 heures, les supporteurs de la candidate écologiste et de son union à gauche, qui a remporté le second tour avec 13 000 voix d’avance, se massent sur le Vieux-Port.
Sur les réseaux sociaux, ils ont suivi l’échec, tard dans la nuit, des négociations entre le Printemps marseillais et Samia Ghali. La sénatrice des quartiers nord demandait pour elle un poste de première adjointe. Le Printemps marseillais, qui affirme vouloir travailler avec elle, n’offre que quatre délégations.
« Ne nous laissons pas voler notre vote », harangue Alain Barlatier, directeur de campagne de l’« insoumise » Sophie Camard, élue PM dans le 1er secteur. Le cortège du Printemps marseillais progresse lentement jusqu’à l’entrée du conseil municipal, bunker enterré à l’abri de tous les regards.
«Michèle!» «Démocratie!» Arrivée triomphale de @MicheleRubirola, candidate de la gauche, au conseil municipal de… https://t.co/RYMSrz5XRD
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Martine Vassal, la chef de file LR qui a perdu son secteur et cédé sa place au député Guy Teissier, se faufile avec ses collaborateurs par un angle dérobé. Samia Ghali et Guy Teissier, eux, entrent par des accès souterrains pour éviter la pression de la foule. Sans se cacher, la délégation RN et Sabine Bernasconi (LR), l’ex-maire du 1er secteur où s’est déroulée la catastrophe de la rue d’Aubagne, affrontent les huées.
La campagne a été riche en coups de théâtre. Le conseil municipal d’élection du maire sera rocambolesque. La première surprise concerne Guy Teissier, le député propulsé nouveau chef de file Les Républicains. En tant que doyen de l’assemblée, il préside la séance. Assis à la place de Jean-Claude Gaudin, dans ce siège qu’il convoite depuis des années, l’élu LR, 75 ans, est ému.
Durant l’appel, il bute sur les noms des nouveaux conseillers municipaux. Puis annonce qu’il cède sa place pour éviter toute interférence avec son statut de candidat : « Même si la loi ne l’impose pas », précise-t-il. Marguerite Pasquini, 70 ans, conseillère municipale élue sur les listes de Samia Ghali, entre en scène. Sa présence sera clé dans la victoire de Mme Rubirola. « Je n’aurais pas présidé de la même manière, mais je ne pouvais pas savoir », reconnaîtra Guy Teissier à l’heure de son échec.
« Nous laissons les marchands de tapis »
Mme Pasquini échoue dans sa première tâche : empêcher le sénateur RN Stéphane Ravier de prendre la parole. « Nous ne participerons pas au vote. Nous laissons les magouilleurs, les marchands de tapis, ceux qui confisquent la voix des Marseillais et ont passé des jours et des nuits à se promettre des postes dans leur dos… Nous vous laissons entre vous », tonne le leader du RN qui, dimanche 28 juin, a perdu sa mairie du 7e secteur. Dans son sillage, les neuf conseillers municipaux de l’ex-Front national quittent l’hémicycle.

En prenant la parole sans l’accord de la présidente, Stéphane Ravier bouscule le protocole. Il provoque surtout une modification des conditions de vote : la majorité absolue chute soudain à 47 voix au lieu de 51. Tous les calculs qui agitent les états-majors depuis dimanche sont caducs. Dans la salle des pas perdus, le leader RN fait le tour des télés et enterre les tentations d’alliance des droites révélées par le maire LR du 5e secteur, Lionel Royer-Perreaut : « Ce qui s’est passé à droite ces trois derniers jours est insupportable. Il n’y a pas de petites ententes de boutique avec ceux qui n’ont jamais été nos amis. Nous ne voulons pas plus faire alliance avec celle qui est représentante du communautarisme, Samia Ghali. »
Au premier tour, trois candidats s’alignent donc. Michele Rubirola – « conformément au vote démocratique de dimanche », rappelle son porte-parole Benoît Payan –, Guy Teissier et Samia Ghali, qui donne tort à ceux qui s’attendaient à la voir voter pour la droite. Lionel Royer-Perreaut a abandonné son projet de candidature contre Guy Teissier. Tancé par les cadres LR, Jean-Claude Gaudin en tête, pour avoir semé la désunion, il évoque la « présomption de confiance » vis-à-vis de son ex-mentor qu’il accusait de vouloir pactiser avec le RN.
Guy Teissier atteint le premier les dix votes en sa faveur. Puis les vingt. Puis les trente. Et enfin son total de 39. Les voix du dissident LR Bruno Gilles et de Marine Pustorino, sa fidèle alliée, rejoignent la droite, et Guy Teissier pointe à 41. Michèle Rubirola rattrape son retard dans les derniers bulletins et atteint ses 42 bulletins. Son camp respire. Avec huit voix, Samia Ghali, elle, perd un premier de ses soutiens et demande une suspension de séance. La droite, qui n’a plus grand-chose à négocier depuis le départ du RN, reste dans l’hémicycle.
« Si on se fait voler, on bloque tout »
Le temps d’une cigarette, Benoît Payan sort à l’air libre. « Il faut garder ses nerfs », souffle le jeune élu PS, concepteur du Printemps marseillais. Dans les couloirs, on évoque la possibilité d’une démission globale des élus PM si la droite s’impose. « Si on se fait voler, on bloque tout », explique-t-on. La foule qui acclame Michèle Rubirola fait pression à sa façon. Yves Moraine, ex-président du groupe LR, prophétise : « Ghali va négocier. Si elle va toute seule au troisième tour, elle n’aura rien. »
Après les huées pour Martine Vassal, Sabine Bernasconi et Stéphane Ravier, les vivas pour le Printemps marseillais.… https://t.co/0UwuNqKwlF
— gillesrof (@Gilles Rof)
La suite lui donne raison. Alors que Michèle Rubirola arpente les couloirs, ses équipes négocient et trouvent un terrain d’entente avec la sénatrice Samia Ghali. Après le coup de pression du premier tour, la maire du 8e secteur apparaît plus attentive aux propositions du Printemps marseillais. Dans son camp, elle sait que plusieurs socialistes pourraient l’abandonner dans la dernière ligne droite.
Les trois heures de suspension de séance permettent de trouver une issue entre l’ex-socialiste et l’union à gauche. A l’extérieur, les supporteurs du Printemps marseillais exultent.
July 04, 2020 at 02:33PM
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